Par un beau matin de juillet, Julien part se calmer dans le jardin.
– Fais ci, fais ça ! et gnagnagni et gnagnagna ! Moi j’en ai marre ! Faut toujours qu’on me commande !
– Julien, rentre ! tu vas attraper froid…
– Non ! j’rentre si j’veux !
– Julien obéis tout de suite sinon…
« Ah la revoilà avec son sinon. Le sinon qui prive de dessert, le sinon qui prive de jeux, le sinon qui prive de copains ou de cadeaux de noël… Je déteste ce mot ! »
Julien se retourne et part plus loin encore, il franchit le portail en courant et entre dans le bois de l’autre côté de la grande route. Il marche en regardant ses chaussures, il marche vite, il marche longtemps.
Arrivé près d’un ruisseau, Julien s’assoit sur une grosse pierre. Il observe les fourmis à ses pieds. L’une d’elle monte sur sa jambe.
– Eh ! la fourmi, qui commande chez toi ?
– Et bien, laisse-moi réfléchir, dit la fourmi secouant ses antennes… à vrai dire, ce n’est pas vraiment la Reine ! Elle, c’est une paresseuse au gros ventre qui pond des œufs… En fait personne ne me commande. Je suis les autres.
– Mais les autres, elles obéissent à qui ?
La fourmi réfléchit encore.
– Et bien, comme moi elles suivent les autres.
Julien pose la fourmi par terre et reprend son chemin.
En route, un rouge-gorge volette au-devant, et se pose sur une branche. Le petit garçon s’arrête.
– Eh ! l’oiseau, qui commande chez toi ?
– Personne ne commande, lui dit l’oiseau. Je suis un solitaire… Puis il ajoute : c’est mon estomac qui commande, quand j’ai faim, je pars chercher des insectes.
– Et le reste du temps, tu fais ce que tu veux ?
– Et bien oui, on peut dire ça…
Julien marche et marche encore. Il a faim. Il comprend ce que dit l’oiseau. Son ventre est en train de lui rappeler que c’est l’heure du dîner. Il regarde tout autour… mais où est-il ?
Un lapin, deux lapins, trois lapins passent tranquillement. Le troisième s’arrête et vient le renifler.
– Toi le lapin ! dit Julien, c’est ta famille qui est avec toi ?
– Oui ce sont mes petits et ils ont encore bien besoin de moi.
– Ah ! C’est toi qui commandes alors ?
– Et bien non, ils me suivent parce qu’ils savent qu’ils sont plus en sécurité avec moi. Je leur montre où trouver la nourriture, je leur apprends à échapper au renard…
– Alors ils t’écoutent …
– Oui toujours, et je vais vite les retrouver car sans moi ils sont un peu perdus.
« Oui les petits seraient perdus sans leur mère…c’est pour ça qu’ils ne la quittent jamais » se dit Julien.
Il est tout à ses pensées lorsqu’il réalise que lui aussi est perdu, qu’il a faim et que le soir tombe.
La forêt si belle auparavant, lui parait d’un coup, sombre et menaçante.
PFFFUUUUIIIIT…un petit animal se faufile… CRAC !!! Julien sursaute.
On entend un bruit devant, un grognement derrière, et là-haut dans le ciel, la lune se lève, ronde, magnifique et … effrayante !
Julien se met à pleurer de plus en plus fort. Il appelle :
– Papa, maman, à l’aide je sui perdu. La lune va me manger… au secours, je promets je ne dirai plus jamais non…
– Julien, Julien …
Une main douce lui caresse la joue, il ouvre les yeux et voit le visage de sa maman. Il se blottit contre elle, tellement heureux de voir que ce n’était qu’un rêve.
Le lendemain, maman demande :
– Julien, veux- tu arrêter ton jeu pour aller mettre la table ?
– N…. euh oui maman ! Tout de suite.
Il sent que sa mère le regarde étonnée.
– Dis maman, je peux te demander quelque chose ?
– Oui bien sûr je t’écoute…
– La prochaine fois que je te dis non… que tu te fâches et que tu me demandes d’obéir… Julien hésite…
– Et bien je t’écoute… dit maman.
– Bah je veux bien que tu ne dises plus jamais sinon. Je ne l’aime pas ce mot !
– Ah… je comprends… laisse-moi réfléchir. Je pourrais dire sioui à la place.
– Oui sioui ça me plait !
– Par exemple « Julien mange tes épinards sioui tu auras du dessert », ou « Julien dis bonjour à Madame Crapou sioui tu pourras aller jouer » …
– Oui, dit Julien ou bien « arrête ton jeu et mets la table sioui tu auras des bonbons ! ».
