Il regarde ses pieds, il regarde l’eau.
Artie est debout, à côté du petit plongeoir, les doigts de pieds crispés sur le rebord.
Toute la classe attend.
– Bon tu sautes Artie, on a froid nous !
– Oui on va pas t’attendre toute la matinée !
– Il a peur !
– Et alors, il a bien le droit !
– Pfff ! C’est une poule mouillée …
– Bah non, c’est une poule sèche …
– Ah Ah Ah !
Le maître-nageur se gratte la tête. Il a tout essayé, en vain. Ce garçon a si peur qu’il refuse de sauter même avec la perche. Rien n’y fait : ni les encouragements, ni les moqueries de ses camarades.
Le maître demande à Artie de se pousser et de laisser passer les autres enfants, qui se mettent à sauter joyeusement, s’éclaboussant à qui mieux mieux.
Le petit garçon pleure en silence, il aimerait tellement rejoindre les autres, et même … et même comme Manon, sauter du petit plongeoir. Ou comme Lilian, plonger la tête la première et fendre l’eau comme une fusée.
Oui Artie aimerait, et chaque semaine en descendant du car, il se dit que cette fois, c’est la bonne. Il se dit qu’il va y aller, sans réfléchir, sans attendre et que tous se tairont enfin.
Mais quand il est sur le bord, quand l’eau remue doucement, claire et profonde sous ses yeux, il sent la peur qui le paralyse.
Ce lundi, à la fin de la séance, le maître-nageur demande à Artie de rester avec lui. Les enfants partent au vestiaire, Artie grelotte, pâle et triste dans son petit maillot.
– Tu aimerais réussir à sauter dans le grand bain ?
– Oui, tellement !
– Tu me fais confiance ?
– Oui !
– Alors saute, je te promets qu’il ne t’arrivera rien, tu as ton gilet …
– Je ne peux pas monsieur …
– Tu me fais confiance ?
– Oui !
– Donne-moi la main.
– Le petit garçon tend la main au jeune homme qui s‘élance, l’emportant avec lui.
Artie comprend trop tard, il ferme les yeux et la bouche, il sent l’eau le submerger, la panique le gagne … mais presque immédiatement, il remonte à la surface.
Le maître-nageur le regarde en souriant.
– Alors ?
Le garçon crachouille, cligne des yeux, et sourit.
– Alors ça ne fait même pas peur …
– Tu vois !
Artie est fier, il retrouve ses camarades au vestiaire mais ne dit rien.
Il attend lundi prochain pour sauter dans le grand bain.
