A la claire fontaine, m’en allant faire un petit tour de vélo, j’ai trouvé l’eau bien sale et je me suis dit :
« Nom d’une souris verte ! Mais qui jette ses petits papiers du haut du pont d’Avignon ? »
Sur la plus haute branche, un rossignol chantait :
– Peut-être que ce sont des petits mots déposés par des enfants pour faire un vœu?
– Chante Rossignol chante, répondis-je, toi qui a le cœur gai, moi je trouve ça dégoûtant et je les attraperais bien pour les tremper dans l’huile, ou les tremper dans l’eau, pour en faire des p’tits marmots tout chauds !
Le rossignol se met à siffloter :
– Ne voudrais-tu pas les repêcher ces papiers et les lire, ainsi nous saurions ce qu’ils contiennent …
– D’accord ! répondis-je. Au clair de la lune et du soleil, je vais essayer de les lire …
Je prends un premier papier, le déplie, mais l’encre est effacée. J’en pêche un second, il y est écrit :
« Maître corbeau sur le pont d’Avignon, tenait dans son bec … »
– Je n’arrive pas à lire la suite.
– Une truite ?
– Quoi une truite ?
– Il tenait une truite sans doute, précise le rossignol.
– Continuons …
Je plonge une main dans l’eau glacée et prends un second papier, je l’ouvre délicatement pour ne pas le déchirer, et cette fois j’y lis :
« Frère Jacques est allé dormir, et en se réveillant il a mis sa culotte à l’envers. Mais dormez-vous ? a demandé le roi Dagobert …
– Je n’y comprends rien, dit le rossignol dépité. Ces phrases ne veulent rien dire. Ce ne sont certainement pas des vœux.
– Essayons un troisième, je suis sûr que ça va nous aider.
Sur le troisième il est écrit : « Je ne veux plus y aller, les gens de la ville-ville-ville, ont pris mon panier de gentils coquelicots … »
Je lève les yeux vers mon ami. Il a raison, tout cela ne veut rien dire. Tout à coup, le rossignol s’exclame :
– Mais oui, tout est plus clair !
– Oui, tu trouves ?
– Bien sûr, il ne s’agit pas de vœux mais de messages secrets, des messages codés déposés là par des espions au service de la couronne !
– Aaah ! je n’y avais pas pensé …
– Bien sûr, c’est évident ! le roi Dagobert aidé de son ministre et frère, Jacques, s’apprête à mener la bataille contre son avocat Maître Corbeau. Ils se donnent rendez-vous sur le pont d’Avignon et ce n’est pas une truite qu’il tient dans son bec mais un dossier classé top-secret !
– Continue, ça m’intéresse …
– Eh bien il s’est passé quelque chose de terrible car sur le troisième bout de papier, le messager écrit qu’il ne veut plus aller à la ville car on lui a pris son panier …
– De coquelicots?
– Mais non, ça c’est pour tromper l’ennemi. Je pense que dans le panier il y avait autre chose …
– Bon, d’accord, je vais pêcher tous les petits papiers. Au moins la fontaine sera nettoyée. Et puis peut-être pourrons-nous percer ce mystère !
Alors je retire un à un tous les papiers de la fontaine et les pose à terre. Je vais pour prendre le premier mais un vent fort se lève, emportant avec lui tous les messages.
Et comme c’est étrange … je jurerais que le vent me souffle les jolies mélodies de mon enfance.
Oui, je les reconnais !
Tous les papiers se sont envolés, sauf un qui reste à mes pieds. Je l’ouvre, il est écrit :
Il y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai …
