L’aire d’autoroute

Moi, c’est Dimitri.

Hier, j’ai vécu une aventure extraordinaire !

Mes parents m’ont oublié sur une aire d’autoroute.

Le matin très tôt, maman nous a réveillés. On a pris un petit déjeuner express et tout le monde est monté dans la voiture.

Papa était au volant, Fripouille dans le coffre, Poppy dans sa boîte à chat, entre ma sœur et moi. Elle n’arrêtait pas de miauler et ça énervait papa, alors qu’on n’était même pas encore parti.

– Ah voilà ! ton chat, va nous casser les pieds pendant tout le trajet …

– Notre chat tu veux dire ! Je te rappelle que tu étais d’accord quand Dimitri l’a ramené à la maison, a répondu maman.

– Oui bon ça va, a dit papa. Allez les enfants, on est prêt ?

– Un dernier petit tour aux toilettes ? a demandé maman.

– Nan c’est bon ! … on a répondu ma sœur Anne et moi.

– Alors c’est parti !

La voiture est sortie du garage. Ma sœur a râlé parce que c’est toujours elle qui ferme le portail, notre chien a jappé et maman a dit :

– Attends, j’ai oublié d’éteindre le frigo !

– C’est bon, on part pas pour trois mois ! a répondu papa.

– J’ai pris soin de le vider et on ne laisse pas des appareils électriques tourner pour rien, ce n’est pas écologique !

Papa a ricané :

– Tu diras ça à ton père avec son pick-up et sa piscine !

– Tu es bien content d’en profiter de sa piscine !

Donc maman est allée éteindre le frigo pour sauver la planète et on est parti.

Poppy miaulait, alors ma sœur l’a prise sur ses genoux ; mais comme maman a dit non, ma sœur l’a rangée dans sa boite ; alors Poppy s’est remise à miauler.

On a roulé très longtemps et je me suis endormi.

Ce qui m’a réveillé, c’est que la voiture était arrêtée.

– Tu veux aller aux toilettes Dimitri ? a encore demandé maman.

– Non je dors.

– Tu es sûr ?

– Oui je dors.

– Bien ! ta sœur et moi, on y va.

Et je suis resté dans la voiture avec papa.

– Dimitri, je vais prendre un petit café, tu viens ?

– Non je dors papa, j’ai répondu.

– Ok, je te laisse avec Fripouille et Poppy.

Mais à un moment, j’ai eu envie de faire pipi. J’ai dit aux animaux « Soyez sages ! » et j’ai bien refermé la portière. Je suis entré dans le magasin, j’ai cherché mes parents et ma sœur mais je n’ai vu personne. Et comme j’en avais de plus en plus envie, je suis allé aux toilettes.

Là, j’ai mis trop de papier alors c’était bouché. J’ai tiré la chasse plusieurs fois mais c’était pire.

Je suis vite sorti du magasin, j’avais peur qu’on me rattrape, mais au moment de monter dans la voiture, elle était rouge !

« La voiture de papa est grise ! » je me suis dit.

Et en plus c’était une grosse dame blonde au volant.

J’étais un peu inquiet j’avoue. Alors j’ai fait ce que maman m’avait appris. Elle disait toujours : « Si un jour tu es perdu, tu vas voir une grande personne qui a l’air gentil, et tu lui expliques que tu es perdu, mais sans pleurer. Ensuite, tu lui donnes mon numéro de portable ».

Je suis donc retourné dans le magasin, et j’ai regardé les dames qui travaillaient là. J’ai choisi la plus belle et je lui ai dit sans pleurer :

– Bonjour, je m’appelle Dimitri et je crois que mes parents sont partis sans moi. Leur numéro de portable c’est …

– Mon pauvre poussin, ne pleure pas, on va les retrouver tes parents !

Je l’ai bien choisie. Elle avait de grands yeux bleus très doux, on aurait dit Raiponce. En plus, personne ne m’avait jamais appelé mon poussin. Elle a pris le numéro, a appelé maman et m’a dit :

– Ils arrivent mon cœur, ils se dépêchent. Ils sont vraiment désolés, ils font aussi vite qu’ils peuvent …

Et là j’ai vécu un moment très agréable. La jolie dame m’a proposé de boire un chocolat chaud, pour me réconforter car je devais être sous le choc, et aussi de manger un croissant. Alors j’ai pris un air triste pour dire :

– Y aurait pas plutôt des pains au chocolat ?

– Mais oui bien sûr ! Combien en veux-tu ? a-t-elle répondu.

– Euh, deux ?

Elle m’a servi un super petit déjeuner : jus d’orange, chocolat chaud et pains au chocolat. Et comme j’avais encore de la buée dans les yeux, elle a ajouté un donut qu’elle a mis sur une petite serviette bleue. Le paradis !

– Ça va aller ?

– Oui madame. Merci beaucoup !

Pendant que je mangeais, elle m’a fait la conversation :

– Tu sais, ne crois pas qu’ils ne t’aiment pas tes parents, ça arrive tous les jours, des gens qui oublient leurs enfants sur l’autoroute …

– C’est vrai ?

– Oui bien sûr ! Tiens, même hier, un monsieur a laissé sa belle-mère aux machines à café. La pauvre vieille femme était dans tous ses états.

Toi tu as fait preuve de beaucoup plus de courage !

Je lui ai dit :

– Je sais bien qu’ils m’aiment mes parents, et qu’ils n’ont pas fait exprès, c’est juste qu’ils devaient être encore en train de se disputer.

Et au moment où je dis ça, je vois maman arriver dans le magasin avec ses cheveux en l’air et son manteau tout de travers.

– Dimitri, mon chéri ! Pardon ! On n’avait pas vu que tu n’étais plus dans la voiture …

Et elle me serre dans ses bras si fort que je n’arrive plus à respirer. Elle pleure, alors évidemment, je me mets à pleurer. Et là, Raiponce pleure aussi. Bref ! Heureusement Papa arrive. Il est vraiment énervé :

– C’est pas vrai Dimitri, mais tu étais où ?

– Tu crois vraiment que c’est le moment de le gronder, a dit maman.

– Mais évidemment ! il n’a pas à quitter la voiture sans nous prévenir !

– Et toi tu n’as pas à démarrer la voiture sans vérifier que nos enfants sont bien dedans …

– Ça va être de ma faute maintenant !

– Oui, c’est de ta faute. Tu es toujours pressé !

– Qui est-ce qui veut être arrivée pour le déjeuner ? C’est moi peut-être ?

– C’est ma mère qui nous attend pour midi et demi, tu sais bien que papa n’aime pas manger trop tard …

Moi je regardais papa, puis maman, puis papa et encore maman, on aurait dit que je suivais un match de tennis. La jolie dame tenait ma main, j’ai cru un moment qu’elle allait m’adopter.

Et puis ils se sont souvenus de moi, et de ma sœur peut être, qui attendait dans la voiture avec les

animaux.

Maman s’inquiète :

– Mon chéri, tu dois mourir de faim …

– Nan, j’ai dit, pas trop.

– C’est cette gentille dame qui nous a appelés ?

– Oui, c’est Mathilde !

– Mathilde, a dit papa, comment vous remercier ?

Elle a répondu « ça m’a fait plaisir de m’occuper de Dimitri en vous attendant, pas de souci, il est a-do-ra-ble ! ». Elle m’a fait un beau sourire et un petit signe, et on est parti.

Je crois que c’était mon premier chagrin d’amour, à part avec Pauline à l’école. Mais elle, elle a les yeux marrons.

J’ai ouvert la portière, ma sœur m’a pris dans ses bras, c’était chouette ! et j’ai caressé Fripouille.

– Attache ta ceinture mon chéri, a dit maman.

– La prochaine fois, tu ne sors pas de cette voiture sans nous demander … a ajouté papa.

– Tu ne vas pas recommencer quand même ! a repris maman.

– Et toi tu vas arrêter de le couver, c’est un grand garçon maintenant, il doit être responsable, a répondu papa.

– Ah ça te va bien de dire ça ! …

Et les voilà repartis à se disputer. Alors j’ai crié :

– STOP ! Si vous continuez, je me sauve à la prochaine aire d’autoroute !

Ça a super bien marché. Je ne les ai plus entendus ; jusqu’à ce qu’on arrive chez Papi et Mamie.

Parce que là, Mamie a demandé :

– Alors ça s’est passé comment le voyage ?