La valse des coquilles

Cette histoire est inspirée de faits réels.

https://www.youtube.com/watch?v=LN4heY49lu8

Bernard-l’hermite habite une coquille qui n’est pas la sienne. Il l’a trouvée sur le sable, abandonnée par la marée.

D’abord il a frappé, Bernard est poli.

Et ne voyant personne il est entré.

Il a posé son baluchon, sorti son petit matériel : la télé portative, la tasse et sa cuillère, une bougie, un briquet, son costume du dimanche, un miroir et sa brosse à dents. Pour le reste, Bernard est débrouillard, il demandera à ses cousins.  

Car ils sont nombreux sur la plage les bernard-l’hermite. Ils s’appellent tous Bernard, et ne sont pas ermites. Au contraire, ce sont des êtres sociaux, ils adorent faire la fête.

– Bonjour Bernard !

– Bonjour Bernard ! Comment vas-tu ?

– Merveilleusement bien ! La marée monte, j’ai sorti mon couteau et ma serviette …

– Et si on mangeait ensemble ? Ramène donc ta coquille !

– Bonne idée ! On propose à Bernard ?

– Lequel ?

– Bernard-Le-Costaud …

– Il est parti pêcher avec Bernard. Mais je vois Petit-Bernard qui s’ennuie, je suis sûr qu’il aimerait se joindre à nous.

– Parfait ! Plus on est de Bernard plus on s’amuse.

Et sur la petite plage, c’est comme ça presque tous les jours !

Mais le moment le plus attendu chez les Bernard-l’hermite c’est la Valse des coquilles, un grand jour de fête où tous ceux qui ont bien grandi ont le droit de changer de coquille.

Trouver sa coquille n’est pas une mince affaire : elle doit être à la bonne taille, ni trop grande, ni trop petite, bien étanche et solide. Alors les Bernard-l’hermite organisent un grand troc. Ils s’échangent leurs maisons.

Ce jour-là, un Bernard se met en place et crie à la cantonade :

– Eh les amis, qui veut ma coquille ?

– Moi ! dit Tout-Petit-Bernard. J’ai pris du poids avec les fêtes, je suis à l’étroit.

– Moi ! dit Bernard – La – Grosse – Pince, je commence à manquer de place.

– Moi !

– Moi !

– Moi !

Alors tous les Bernard intéressés se mettent en rang, le plus gros devant, et le petit derrière. Cela prend un peu de temps pour se ranger parfaitement, par ordre de taille.

– Je suis plus grande, dit Bernarde, je suis derrière Bernard …

– Non c’est moi qui suis la plus grande ! … mais de quel Bernard parles-tu ?

Bernard s’impatiente :

– Bon, tout le monde est en place ? Allez, à mon signal, on change … C’est parti !

Et les voilà qui se dépêchent et se hissent, de leurs cinq paires de petites pattes ; ils sortent de leur coquille et hop, se glissent dans celle de devant. En quelques minutes l’affaire est réglée.

Mais voilà qu’une dispute éclate à l’arrière du convoi.

– Rends-là moi espèce de malotru! je l’ai vue avant toi, c’est ma coquille !

– Trop tard, minus, elle est à moi maintenant.

Tout-petit-Bernard s’est fait devancer par un autre, un peu bagarreur. Le pauvre, le voilà sans abri … et chez les Bernard-l’hermite, quand on n’a pas de coquille on meurt en quelques heures.

L’affaire est très préoccupante, alors Bernard appelle les cousins :

– Un Bernard sans coquille, je répète, un Bernard sans coquille …

Tous s’activent immédiatement et se mettent en quête d’une coquille à la bonne taille pour Tout-Petit-Bernard. Assez rapidement une voix se fait entendre :

– Ça y est, j’en ai une!

Un grand soupir de soulagement parcourt l’assemblée.

– Merci, merci, dit Tout-Petit-Bernard, vous m’avez sauvé la vie.

Et il saute dans sa nouvelle coquille, rassuré.

– Bien, dit Vieux-Bernard, tu feras plus attention la prochaine fois.

– Il faut être rapide, dit Bernard.

– Et déterminé, ajoute Bernard.

Tout-Petit-Bernard promet. Il rentre dans son nouveau logis, pose son baluchon et sort son petit matériel : un poste de radio, le journal, un bol, un tire-bouchon et son costume de bain. Il ne faut pas avoir trop d’affaires quand on change si souvent de maison.