On dit d’une personne qui manque de courage qu’elle est une poule mouillée.
Je vais vous raconter la véritable histoire, ou comment Paola la petite poule est à l’origine de cette drôle d’expression.
Paola était une petite poule d’eau, la plus jolie de l’étang et à vrai dire la préférée de ses parents.
Ses plumes étaient douces et brillantes, elle nageait gracieusement parmi les siens, elle était si charmante que même les cygnes recherchaient sa compagnie.
C’était une région froide et sauvage et l’hiver arrivant, il n’y avait plus grand chose à manger. Aussi les prédateurs étaient nombreux qui voulaient se régaler d’une petite poule dodue pour le dîner. Il y avait les renards et les loups, il y avait les oiseaux de proie mais les plus redoutables étaient les chats sauvages. Car ils étaient habiles. Parfois, quand ils étaient affamés, ils pouvaient attaquer une oie ou un cygne. D’une petite poule d’eau ils ne faisaient qu’une bouchée.
Cet hiver-là, Paola décida qu’elle protégerait ses sœurs. Il fallait absolument les prévenir du danger. Elle pouvait les entendre caqueter, insouciantes sur les berges du grand lac en bordure de forêt, là ou n’importe quel prédateur pouvait s’approcher sans être vu.
« Mes sœurs, dit-elle un soir à la veillée, nous devons être prudentes. Les chats sauvages et les renards nous guettent. Le plus jeune des cygnes a été emporté cette nuit. »
– Nom d’un poussin ! Mais comment ? demanda une poulette.
Paola répondit :
– Il était tranquillement installé sous la lune à l’abri des roseaux, il ne s’est pas méfié et crac !
– Tu veux plutôt dire « et croque ! »
Et les poulettes se mirent à rire. La plus âgée reprit son sérieux.
– Mais que pouvons-nous faire ? demanda-t-elle, s’adressant à Paola.
– Et bien, lorsque nous sortons de l’eau, nous devons rester groupées. Une petite poule seule est une proie facile.
– Cinq petites poules ensemble aussi ! dit une autre. Nous les poules nous serons toujours vulnérables face à ces animaux puissants.
– Évidemment nous n’avons pas de dents ! dit la plus jeune.
– Oui, parce que quand les poules auront des dents, les renards et les loups …
– … auront des plumes !
Et toutes les poulettes rirent de plus belle. Paola resta patiente et expliqua :
– C’est vrai que nous sommes vulnérables, mais plus on est de poules plus on a d’yeux pour voir. En plus nous sommes bruyantes, donc si l’une de nous repère un renard, nous pouvons caqueter très fort et prévenir tous les oiseaux du lac.
– Oui bonne idée, on adore caqueter !
– Mais là, reprit Paola, il s’agit de bien surveiller. Si vous observez le moindre mouvement, vous alertez puis vous plongez dans le lac !
– Mais c’est très drôle ce jeu ! dit la poule la plus jeune. On surveille, on observe, on caquète très fort et on plonge dans le lac …
Alors la plus âgée encouragea les autres :
– Allez mes sœurs, toutes à vos postes !
Les poules prirent leur rôle tant à cœur que plus un renard, un loup ou un chat sauvage ne pouvait approcher de la rive. Il était immédiatement accueilli d’un tohu-bohu de gallinacées en panique qui couraient se jeter à l’eau. Elles faisaient tant de bruit que les autres oiseaux, les rongeurs, les grenouilles se mettaient à l’abri.
Cet hiver-là, si les poules d’eau purent se protéger et rester en vie, ce fut grâce à Paola et sa « tactique de la poule mouillée ».
Ce n’est pas manquer de courage que de vouloir se protéger. D’ailleurs, comme les poules n’ont pas toujours pas de dents, c’est encore aujourd’hui ce qui marche le mieux!
