La bécasse

Aujourd’hui, Lucas m’a traitée de bécasse. Ça m’a fait de la peine !

En rentrant, je l’ai raconté à maman. Alors pour me consoler, elle m’a montré une photo de bécasse. C’est très joli ! c’est un oiseau migrateur. Quel rapport avec l’insulte ? Je n’ai pas vraiment compris. Mais dans la bouche de Lucas, je sais que ce n’était pas un compliment. Pourtant je l’aime bien moi Lucas. Je le trouve beau. 

– Salut la bécasse! me dit-il le lendemain en arrivant à l’école.

Je rassemble tout mon courage.

– Bonjour Lucas, sais-tu ce que c’est qu’une bécasse ?

– Oui c’est une fille stupide comme toi !

Je lui réponds :

– Non, c’est un oiseau migrateur, un oiseau très joli …

– Justement, va migrer ailleurs, tu nous gènes là, on joue au ballon, au cas où t’aurais pas remarqué … Et il me passe devant et me bouscule.

Là j’en ai assez. J’aime bien Lucas mais il va trop loin. J’intercepte le ballon, et je le tiens contre moi bien serré.

Il s’énerve.

– Rends-le moi la bécasse !

– Non, je le garde !

Il s’approche pour me le prendre des mains. Je recule. Il me pousse. Je tiens bon, je le regarde bien en face et je lui dis :

– On dirait que la bécasse n’a pas peur de toi. Je suis peut-être un bel oiseau migrateur mais toi tu es juste un garçon qui préfère son ballon aux gens, qui n’a pas d’amis et qui n’aime personne. Et je crois qu’il n’y a aucun animal auquel je peux te comparer. Même le pire des insectes vaut mieux que toi.

Et je lance son ballon par-dessus le grillage. La maîtresse a tout vu. Elle arrive pour me gronder mais je m’en fiche, je suis trop en colère. Le soir en rentrant, je raconte mes aventures à maman. Eli mon petit frère est là aussi. 

Il dit : 

– Tu l’aurais vue maman, comment elle a mouché ce crapaud de Lucas !

Je lui réponds : « Sois gentil avec les crapauds ! ». Et on rit. Maman est fière de moi. 

A l’école, cette histoire a fait du bruit.

J’étais la gentille Astrid qui se laisse embêter et ne dit jamais rien, et je suis devenue Astrid la courageuse, qui a osé affronter Lucas le terrible.

Le lendemain :

– Salut la bécasse ! me dit Lucas en passant devant moi.

Je ne lui réponds pas. Il insiste :

– Ok la bécasse, je te dis gentiment bonjour et tu ne me réponds pas?

– Bonjour l’insecte !

Il rit.

– Je suis l’insecte et toi la bécasse ? ça me va.

Et il me tend la main.

– On fait la paix ?

J’hésite … je tends aussi la main et puis je lui réponds :

– D’accord on fait la paix, mais tu sais quoi ? Les bécasses ça mange les insectes alors méfie-toi !

Il part sans rien dire, son ballon sous le bras.

En rentrant le soir à la maison, je suis assez fière et je dis à maman :

– Je crois que la bécasse a appris à se faire respecter … et qu’elle s’est fait un nouvel ami !

– Et qu’elle est amoureuse ! ajoute mon petit frère.

Et il part en courant.