Histoire de la petite marmotte

Au fond de son terrier, Petite marmotte est bien réveillée. Elle ne veut pas dormir. 

Elle secoue sa maman qui ouvre un œil et dit :

– Il faut aller dormir ! Les marmottes ne réveillent pas leurs parents en plein hiver. 

Elle secoue son papa qui garde les deux yeux fermés : 

– Les marmottes ne réveillent pas leurs parents en cette saison. Il faut dormir.

Elle secoue ses frères, pas de réponse. 

Comme c’est ennuyeux cette hibernation obligatoire ! Petite marmotte rêve de rejoindre les chamois et les cabris, ils sont si beaux, si libres et agiles. Elle aussi voudrait courir, sauter, marcher en équilibre le long du ravin, faire des glissades sur le glacier …

Dans le terrier, pas un bruit, rien ne bouge. Les petits frères sont pelotonnés les uns contre les autres. Mais quel ennui !

Alors Petite Marmotte prend son baluchon et part à l’aventure.

La prairie est couverte d’une neige épaisse. Ce n’est pas facile d’avancer, elle est vite fatiguée. 

« Ce n’est pas grave, se dit-elle, je vais rentrer me reposer, et demain je repartirai. »

De retour au terrier, petite Marmotte se met à bailler. Comme il fait chaud ici. Et comme c’est agréable d’être chez soi ! Elle se blottit contre son frère le plus grand et s’endort.

 

Au fond de son terrier, Petite Marmotte est à nouveau bien réveillée. Elle se souvient de sa formidable aventure de la veille. Elle prend son baluchon et s’en va.

« Comme c’est beau ! se dit-elle, en regardant la montagne.  Mais comme c’est loin ! »

Elle avance dans la neige et lève le museau de temps en temps. La montagne est toujours loin, très loin. Elle se met à avoir faim. 

« Mais oui, se dit Petite Marmotte, je n’ai pas pensé à manger avant de partir. Il vaut mieux que je rentre au terrier, je prends un bon petit déjeuner, et je repars. »

Elle retourne chez elle, file dans le garde-manger, mais il n’y a plus rien ! Elle sort du terrier, fouille un peu sous la neige et croque quelques trèfles. Une fois repue, elle se blottit contre son plus petit frère et s’endort.

 

Au fond de son terrier, Petite Marmotte est toujours bien réveillée. « Cette fois je pars » se dit-elle. « Je suis prête ! je suis reposée, rassasiée, j’ai hâte de retrouver mes amis les lièvres et les bouquetins ».

Elle prend son baluchon, dans lequel elle a pris soin de mettre quelques graines et feuilles. Elle quitte le terrier, et part d’un bon pas, sans même se retourner.

Elle arrive au petit ruisseau. C’est la première fois qu’elle le voit en hiver. Comme il est joli, scintillant sous le soleil et entouré de neige. Elle aimerait tant que ses frères soient là pour le voir. Petite Marmotte se souvient alors qu’elle est partie sans dire au revoir. Ils vont lui manquer c’est sûr !

« Je dois rentrer, se dit-elle, au moins pour les voir une dernière fois et ensuite je partirai tranquille. »

Elle rentre dans son terrier, se glisse entre ses parents pour les câliner, puis elle va voir ses frères, les regarde un à un, s’allonge tout contre le plus mignon. 

Et satisfaite, elle s’endort.

 

Au fond de son terrier, Petite Marmotte est encore bien réveillée. « Aujourd’hui est le grand jour, je suis vraiment prête ! Je suis reposée, rassasiée, j’ai dit au revoir à mes parents et à mes frères. Et en avant pour l’aventure ! ». 

Le baluchon sur l’épaule, Petite Marmotte s’éloigne à grands pas. Elle marche et marche longtemps.

Arrive la nuit.

Elle trouve refuge au pied d’un arbre et se fait un petit lit de mousse.

« Aahhh ! Comme c’est bon la liberté ! Je vais bien dormir et demain, je repartirai. »

La forêt bruisse et craque, Petite Marmotte peut entendre le glapissement des renards. La voilà qui n’est pas bien rassurée. Elle sent une présence, un animal est là qui l’épie. Petite Marmotte a tout à coup très peur.

Mais pourquoi est-elle partie ? Quelle imprudence ! Elle comprend mais trop tard, qu’une marmotte est bien vulnérable loin de son terrier. Un rapace pourrait l’emmener dans ses serres, un loup pourrait la dévorer !

Elle se met à trembler, de froid et de peur …

« Il faut tenir jusqu’au petit jour, se dit-elle et alors je rentrerai. Plus d’aventure, plus d’escapades sur le glacier, seulement la chaleur et la sécurité de mon foyer. »

Elle entend, là tout près, un froissement d’ailes.

« Ça y est, se dit elle, c’est la fin ! »

– Houh ! Houh !

C’est un hibou.

– Que fais-tu jeune marmotte assise là sur la mousse ? Ne devrais-tu pas être dans ton terrier à dormir ?

– Oui Hibou, répond-elle en claquant des dents, je devrais. Mais je rêvais d’aventure …

– Et bien te voilà dans une belle aventure ! Est-ce que je me mets à dormir la nuit moi ?

– Non Hibou !

– Exactement ! je suis un hibou, les hiboux dorment le jour. Tu es une marmotte, les marmottes dorment l’hiver.

– Tu as raison Hibou, je vais rentrer retrouver ma famille et hiberner jusqu’au printemps.

Le vieux hibou est tout attendri.

– Dors, petite écervelée, je veille. Et demain, je te raccompagnerai.

 

Grâce au hibou, petite Marmotte se repose un peu. Puis le jour se lève et tous deux repartent en direction de la prairie.    

– Te voici arrivée jeune marmotte, alors rentre chez toi et n’en sors pas avant le printemps. Quant à moi je vais aller dormir.

– Promis Hibou, et merci mille fois !

Petite Marmotte entre dans le terrier si chaud et si douillet. Elle chatouille les moustaches de son papa, caresse la belle fourrure de sa maman et part se blottir tout contre son frère le plus grassouillet. Là, elle s’endort.

Mais … au fond de son terrier, Petite Marmotte est encore réveillée. « Non non non ! se dit-elle, je ne pars plus. J’ai promis à mon ami hibou. Les marmottes sont faites pour hiberner, un point c’est tout ! »

Pauvre petite Marmotte qui n’a pas envie de dormir !

« Je sais, se dit-elle, je vais sortir juste mon museau, je ne mets pas une patte dehors …

Ou alors je sors, mais je reste devant, juste devant notre terrier …

Ou alors, je me promène mais je ne m’aventure pas plus loin que le ruisseau … »

Sans son baluchon cette fois, elle met le nez dehors et constate que la neige a fondu. Les jolies fleurs du printemps sont apparues et ses frères se réveillent doucement.

Au fond de son terrier, Petite Marmotte se sent maintenant bien fatiguée. Alors que tous partent à la recherche d’une herbe grasse, elle rejoint le lit de paille encore chaud de ses frères et s’endort pour longtemps.