Ce matin, le soleil brille sur l’îlot de la mare et tous ses habitants.
Les insectes font des ronds dans l’eau calme. Dame Grenouille les observe. Elle en ferait bien son petit déjeuner, mais ce qui lui fait envie tout de suite, c’est un petit plongeon.
L’eau est si belle et il fait si bon !
» Je pourrais me baigner tout d’abord, attraper quelques mouches ensuite, puis aller voir mon amie la Reinette. Nous discuterons de tout et de rien, de la saveur exquise des libellules et de la laideur des crapauds. »
Toute à ses pensées, Dame Grenouille trempe une patte dans l’eau claire, elle se penche et y voit son reflet. Pensant qu’il s’agit d’une de ses congénères, elle se met à lui parler.
– Mais que faites-vous là ? Ne savez-vous pas que ce caillou est à moi ?
L’autre ne répond pas.
– Tout de même, vous pourriez au moins me saluer ; non seulement vous êtes à ma place mais en plus vous êtes malpolie !
L’autre ne répond toujours pas et Dame Grenouille s’aperçoit que, comble de grossièreté, l’impertinente parle en même temps qu’elle.
– Mais tout de même vous pourriez attendre que j’aie fini de parler ! Dans une discussion entre batraciens civilisés, on s’exprime à tour de rôle !
Mais celle-ci s’en fiche. Elle continue de ne pas répondre et de parler en même temps.
Dame Grenouille, toujours penchée au-dessus de l’eau ne se décourage pas pour autant. « Il faut éduquer les malotrus, se dit-elle. Et si je ne le fais pas, qui le fera, cette jeune grenouille n’a visiblement rien appris. »
Se penchant un peu plus elle ajoute : « Pas si jeune, d’ailleurs ! »
– Bon Madame, assez plaisanté ! Poussez vos cuisses de mon caillou afin que je plonge … Ou je vais chercher le chef Crapaud qui vous chassera sans égards.
Comme l’autre ne répond toujours pas, Dame Grenouille s’énerve :
– Non mais allo ?
– Non mais allo ?
– Vous m’entendez ?
– Vous m’entendez ?
– Ah ça c’est trop fort ! Et maintenant vous répétez tout ce que je dis !
– … tout ce que je dis !
– Je vous préviens je suis une ancienne championne d’arts martiaux, je peux être mauvaise !
– … mauvaise !
– Et même violente !
– … ême violente !
– Vous m’horripilez!!!
– … pilez !!!
Et de rage Dame Grenouille saute sur son reflet.
Elle se retrouve dans l’eau fraîche et calme du matin ensoleillé, sans autre qu’elle-même.
Madame Limace sur la berge a tout vu et très gentiment lui dit :
– Vous êtes dure envers vous-même. Il faut savoir s’accepter telle qu’on est, croyez-moi !
La grenouille penaude ne répond pas et file en quelques brasses se cacher sous les nénuphars.
