Le cadeau du père Noël

Cette année, le père Noël est très embêté.

Les lutins, habituellement au travail dès le mois de septembre pour la fabrication des jouets, ont décidé de partir en vacances.

– Tu comprends père Noël, on aimerait prendre du bon temps: faire de la luge, du ski de fond, des batailles de boules de neige …

– Moi je pars aux Antilles, j’ai jamais vu la mer, dit le plus jeune.

– Mais enfin les lutins, dit le père Noël, vous le savez c’est impossible ! Un lutin du père Noël travaille sans relâche du 1er septembre au 24 décembre pour la fabrication des jouets.

– Juste une fois père Noël, seulement cette année ! Les enfants peuvent bien se passer de jouets de temps en temps …

– Mais non !

Le père Noël fait tout son possible, il discute, il argumente, il supplie, il se fâche, rien n’y fait. Les lutins sont déterminés.

Alors il s’enferme dans son chalet pour réfléchir.

« Que vais-je bien pouvoir faire pour ces pauvres enfants ? » se dit-il.  « Pas de jouets … Non mais vraiment quelle mauvaise blague ! »

– Moi je sais, dit une petite voix. 

– Qui parle ? 

– C’est moi, la souris. 

– Ah petite souris, je n’ai même pas un bout de fromage à te donner, j’ai tout mangé tellement je suis stressé …

– Pas grave père Noël, je sais ce que c’est ! Nous les souris, avec tous ces chats, on passe notre vie entière à stresser …  enfin bref !  Je te disais que j’ai une idée!

– C’est très gentil mais je ne vois pas ce qui pourrait me sortir de cette situation. Pas de lutins ça veut dire pas de jouets et à moins que tu connaisses d’autres lutins qui seraient prêts à travailler jour et nuit … 

– Non, je n’en connais aucun, mais mon idée est très simple. Ne veux- tu pas l’entendre ? Tu aurais seulement besoin de ton traîneau, de quelques sacs vides en plus de ta hotte, et de Hans et Knute, tes aides habituels pour la distribution. 

– J’avoue que tu éveilles ma curiosité. Je t’écoute. 

La souris grimpe sur l’épaule du père Noël, et lui fait part de son plan.  Celui-ci n’en revient pas. C’est une excellente idée.

– C’est sûr, les enfants se souviendront de ce Noël. Ça nous donnera moins de travail et les lutins seront satisfaits ! Petite souris tu es un génie ! 

– Oui je sais, répond-elle en bombant le torse et frisant ses moustaches.

Le soir du 24 décembre, le père Noël fait atteler le traîneau. Knute et Hans sont mis dans la confidence. Il leur demande de préparer de grands sacs vides et la hotte. Les deux garçons s’exécutent. Enfin le traîneau prend son envol et la tournée commence.

Arrivés à la première maison, le Père Noël donne les consignes à ses assistants et aux souris, venues nombreuses pour aider à la manœuvre:

– Entrez sans bruit et ramassez toutes les télécommandes et les manettes de jeu. Mettez-les dans les sacs puis dans le traineau. 

– C’est parti, dit Knute, nous devons faire vite !

– Oui répond Hans, j’ajouterais que nous ne devons pas tarder.

Le père Noël s’impatiente.

– Allez, au boulot ! c’est qu’on n’a pas toute la semaine …

– Non, dit Knute, nous n’avons que quelques heures …

– Tu as raison dit Hans, plusieurs heures mais pas plus !

Et c’est une course folle qui commence, maison après maison, ville après ville, l’équipe du père Noël ne faiblit pas, ramasse toutes les télécommandes, les noires, les grises, les blanches à boutons ainsi que les manettes. Ils rentrent au petit jour, totalement épuisés.

– Père Noël, dit Knute, moi je discute pas les ordres mais notre boulot c’est pas de faire des cadeaux ?

– Oui ajoute Hans, notre boulot c’est plutôt de distribuer non ?

– Je n’ai qu’une chose à dire, répond le Père Noël : patience !

Le matin de Noël, c’est la stupeur sur la planète entière. Il n’y a rien au sapin. RIEN ! Pas un cadeau, pas un ruban, pas un petit bout de papier brillant. Les journaux font les gros titres :

Mais qu’est-il arrivé au père Noël ?

Assez vite, on veut allumer la télé, pour écouter les informations, mais dans chaque foyer, c’est la bagarre :

– Où as-tu caché la télécommande ? Déjà qu’on n’a rien eu à Noël …

– Mais je n’ai rien caché du tout !

– Bah oui, c’est la petite souris peut-être?

– Je te jure. Et en plus je ne trouve plus non plus la manette du jeu vidéo !

– C’est une blague ?!

– Non, je ne ferai pas ce genre de blague …

– Mais c’est HORRIBLE !!!

On sort des maisons, on discute sur les places, devant les mairies, les églises, dans les cafés, chez le boulanger …

Les femmes sont perplexes :

– Mais qu’est-ce qu’on va faire le soir ? Je vais rater ma série préférée !

Les hommes sont inquiets :

– On va manquer le match Papouasie/Groenland !

Les enfants sont perdus :

– Nous on va s’ennuyer …

Au fil des jours, on se fait une raison. Il va falloir être patients, le temps de fabriquer toutes les télécommandes et manettes du monde entier. Les journaux expliquent que les grandes entreprises font de leur mieux. En attendant, il n’y a plus le choix. Il faut lire. Lire pour s’informer, lire pour se distraire, lire pour apprendre. Et puis il faut s’occuper autrement.

Les libraires sont débordés :

– Jamais vu ça ! dit Madame Kiboukine, je suis en rupture de stock. Il y a la queue devant mon magasin du matin au soir.

Les grandes personnes se retrouvent chez les uns, chez les autres, et ça papote. On joue aux cartes, on se chicane à la pétanque, on dit du bien de son voisin en prenant le thé.

Le soir on sort, pour écouter de la musique, danser, se rencontrer. Bah oui, il n’y a rien d’autre à faire !

Et les enfants jouent dehors et se mettent à avoir bonne mine !

Les autorités s’alertent. Trop de jeu en plein air ça peut être dangereux, trop de rassemblements, c’est suspect. Il faut produire en masse ces manettes et télécommandes sans quoi les gens s’habitueront et on ne sait pas les conséquences d’une telle situation … La joie, l’exubérance que l’on observe dans les quartiers, c’est inquiétant !

Faut-il s’inquiéter de la pénurie des télécommandes ?  titrent les journaux.

Le père Noël lui-même se demande s’il a bien fait.

– Je propose qu’on ramène tout le 24 janvier à minuit.

– Mais père Noël, ça va décaler les fêtes ! dit la petite souris.

– Eh bien justement, les gens se plaignent qu’on s’ennuie au mois de janvier donc ça me semble être une bonne date.

– Et comment est-ce qu’on s’organise ? dit Hans

– Oui, dit Knute, je ne dis pas mieux, je suis dubitatif …

– Dubita quoi ? répond Hans

– C’est décidé, dit le père Noël, on rend les télécommandes le 24 janvier.

– C’est dans dix jours, répond la petite souris, et d’ici là, ils ne voudront plus de leurs manettes. Vous verrez père Noël, c’est un beau cadeau que leur avez fait.

– Moui …, mais tout de même, s’ils se mettent à s’amuser avec rien, je fais quoi l’an prochain ?

– Je voudrais pas dire mais vous n’êtes plus tout jeune! La retraite vous y avez pensé ?

– Non voyons petite souris, tu ne te rends pas compte … Les enfants du monde entier attendent ma venue chaque année !

– Du monde entier, n’exagérons rien.  Vous savez j’ai moi aussi de grosses responsabilités avec les dents de lait. Et ça me coûte une fortune, surtout les prémolaires ! du coup je ne viens plus pour chaque dent, je laisse les parents se débrouiller un peu … En plus, sans vouloir vous offenser,  votre nièce Michelle est beaucoup plus jeune que vous, plus dynamique, plus … moderne. Elle pourrait prendre le relais.

– Hum … dit le père Noël en se grattant le menton, ce serait la mère Michelle ?

– C’est ça !

– Mais la barbe ? Les petits adorent ma barbe …

– Eh bien ils aimeront ses cheveux!

– Et ma grosse voix ? Qui dira HO !HO !HOOO !?

– Elle les envoutera de sa voix cristalline : Ting Ting Ting !

– Et mon gros ventre, il est très apprécié mon gros ventre …

– Euh … elle pourrait avoir un gros derrière ?

Et la petite souris se tord de rire.

– Souris, un peu de respect !

– Oui pardon !

– Tu as peut-être raison … Je suis fatigué, et j’ai toujours eu envie d’apprendre à jouer du ukulélé.

Le matin du 24 janvier, les familles stupéfaites, retrouvent leurs manettes et télécommandes rangées devant les écrans. Chacun peut à nouveau jouer, zapper et reprendre ses habitudes.

Dans chaque maison, le père Noël a laissé ce petit mot :

« Je suis désolé pour le dérangement les amis, j’ai cru vous faire un cadeau en emportant ces choses qui vous séparaient les uns des autres.

Aujourd’hui je vous les rends, et je vous annonce que je prends ma retraite. C’est ma nièce Michelle qui me remplace, vous verrez, elle est super ! Quant à moi, je pars dans les pays chauds, le médecin dit que c’est bon pour mes articulations.

Signé : Le père Noël « 

Les enfants se réunissent, réfléchissent et discutent : il faut faire quelque chose, il faut lui dire merci.

Le soir du 25 janvier, tous sortent des maisons, des villes et des villages, une bougie à la main. Ils écrivent dans les jardins, au milieu des prairies, sur les trottoirs et dans toutes les langues :

Merci père Noël on ne t’oubliera jamais.

Puis ils décident ensemble que Noël restera le 24 décembre mais que ce sera différent parce que parfois, ce n’est pas de jouets dont on a besoin.

Mère Michelle

Je ne te demande pas trop de choses cette année parce que je n’ai pas envie d’être tout le temps sage, et avec mes amis on a décidé de partager nos jouets. On pense que ça te fera moins de travail et nous, on aura moins la pression des parents.

Est-ce que tu continues avec les rennes et la hotte ou tu as trouvé un moyen de transport plus moderne ?

Si tu croises le père Noël, dis-lui qu’on pense à lui très fort.

Titouan

PS: Et dis à la petite souris que 2 euros la dent ça me va.

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